J'avais appris que l'eau qui m'attendait dans notre future maison de Kabylie ne coulait pas dans les robinets, et qu'elle était stockée plusieurs jours dans une citerne, d'où les risques de tourista (remarquez qu'à l'époque, ce mot m'était totalement inconnu!), aussi appelée gastro-entérite aigüe du voyageur.
Satisfaite de cette lumineuse idée, j'arrivai donc en Algérie, toute confiante, armée de ma précieuse seringue, injecteur de javel.
Seulement voilà, lorsque j'arrivai par ce beau jour de décembre 2000 dans le village qui devait m'accueillir, j'eus tôt fait de me rendre compte qu'il y avait de l'eau dans les robinets."Quelle bonne surprise" me dis-je, "même pas besoin d'utiliser ma seringue!" J'avais tout de même des bouteilles d'eau de source pour mes deux jumelles d'un an, dont nous nous servions nous-mêmes également, mais je ne trouvais plus aussi indispensable d'empêcher mes autres enfants de se servir d'eau du robinet s'ils le souhaitaient, puisque cette dernière n'était pas, j'en étais persuadée, de l'eau "stagnante", mais bien de l'eau "courante".
Pourtant, au bout de quelques jours, ma fille aînée, qui depuis son arrivée trottait par monts et par vaux dans la campagne kabyle avec ses cousines, commença à ne plus vouloir sortir s'amuser, puis je la vis de plus en plus souvent s'allonger et refuser de manger. Je mis d'abord ça sur le compte d'une angine, mais le médecin sembla d'un autre avis : l'eau fut incriminée. Etonnée, persuadée que l'eau qui coulait dans les robinets ne pouvait qu'être "potable", j'appris alors que cette eau, loin d'être de l'eau "courante", était en fait l'eau qui stagnait depuis notre arrivée dans la citerne au-dessus de nos têtes, sur le toit (la dalle) de la maison! Ahhhhhhhhh! Horreur!!! Ce que j'avais pris pour de l'eau du robinet était en fait de l'eau de citerne! Le fait qu'elle coulait dans les robinets m'avait induit en erreur.
C'est ainsi que l'eau de javel fit finalement son irruption précipitée dans notre cuisine, pour être injectée dans nos bouteilles d'eau via une seringue détournée de son véritable usage : 3 gouttes dans mes bouteilles d'un litre et demi, et ce rituel se répéta jour après jour, bouteille après bouteille, année après année, jusqu'à... ce jour de l'automne 2017 où ma belle-soeur, puis ma fille devenue grande et plus savante que sa maman me dirent : "Stop à la javel dans l'eau! C'est le doc qui l'a dit et même les scientifiques! Il faut trouver autre chose, surtout que, nous, ça fait trrrrrrrop longtemps qu'on le fait, et surtout que.... ben oui, notre eau est tout de même de l'eau de source!!!!"
Ah oui, tiens, j'avais oublié de vous le dire : depuis quelques années, nous ne buvions plus l'eau de notre citerne, nonnnnnnnnnn, nous buvions de l'eau des sources d'à côté,il y en a de nombreuses dans notre région, dont je vous reparlerai peut-être un jour, et dont, 2 à 3 fois par semaine nous remplissions et remplissons encore aujourd'hui nos bidons d'eau. Des bidons que je m'entêtais toujours et encore à vouloir javelliser au cas où (méfiance!).
Mais ma belle-soeur, elle, ça faisait déjà quelques mois qu'elle avait arrêté de la javelliser, son eau (de source, aussi). Ca faisait depuis l'été dernier qu'elle avait testé l'eau de source non javellisée, et puis, un jour, elle m'a dit : "Tu vois, on n'a pas eu de problème!".
Alors nous aussi, depuis quelques semaines, on s'est lancé. Plus de seringue, plus de javel, plus de rituel. Notre eau : l'eau de la source Togi, du même nom que l'eau en bouteille Togi, que nous tirons gratuitement à la fontaine aménagée juste devant l'usine d'embouteillage de Chorfa, commune située sur la RN 26 entre Akbou et Bouira.