Ou plutôt si. Car non seulement il paraîtrait que j'aurais l'accent kabyle lorsque je m'exprime en Français (ce qui n'est cependant pas vérifiable), mais depuis quelques années déjà, les mots kabyles (ou même arabes) se sont mis à faire leur apparition dans mes propos français. Ce qui donna, un jour où je parlais sur Skype à ma maman, un truc du genre : "Au fait, le moudir de l'école des enfants a changé les dates de leurs prochains ikhtibar". Il fallut d'ailleurs ce jour-là l'intervention toute ouie desdits concernés pour me faire comprendre que leur grand-mère n'avait probablement rien compris à ce que je lui avais brillamment raconté.
Aujourd'hui, comme si cela ne suffisait pas, je remarque qu'après la kabylisation de mon accent et de mes phrases censées être franco-françaises, une nouvelle étape risque d'être franchie : celle de la kabylisation de mon lexique français! Je me surprends en effet à ne même plus être choquée par des termes comme "souffri" lorsque des femmes attendant l'arrivée d'un médecin expliquent à une secrétaire bienveillante combien elles ont "souffri" la veille au soir de leur maladie, au point que je me demande si je ne pourrais pas finir par me laisser tenter un jour (qui sait?) d'utiliser moi-même ces mots français kabylisés, histoire de parler un peu comme tout le monde, ne serait-ce que par l'emploi de mots français déformés!
Cela dit, même si je n'en suis pas encore à commettre exprès des erreurs de français (les erreurs involontaires me suffisent bien, et puis j'aurais trop peur de m'y habituer!), j'avoue qu'il m'arrive quand même un peu trop souvent de me laisser aller à une certaine négligence linguistique, me disant : "qui s'en rendra compte de toute façon?" Sauf que, bien évidemment, des francophones maîtrisant à merveille la langue de Molière, en Algérie, il y en a tout de même quelques-uns, et c'est là que je me prends une belle et jolie honte! Quoi, elle ne parle pas encore kabyle ni arabe, et elle cherche ses mots en français?
Bon, allez, ce n'est pas bien grave tout ça, n'est-ce pas, et puis, il y a un bon côté à cette histoire finalement, j'ai peut-être perdu un peu de mon français, mais j'ai gagné un bel accent kabyle et tout plein de jolis mots plus étranges les uns que les autres!